Les institutions représentatives du personnel en grand danger !

Les institutions représentatives du personnel en grand danger !

Déclaration du Cercle Maurice Cohen

On se souvient qu’un rapport parlementaire sur la simplification, remis au ministre des Finances en février 2024, préconisait de nombreuses mesures réclamées par les chefs d’entreprises, notamment de TPE-PME, visant à alléger les « contraintes » qui pèseraient sur les entreprises s’agissant de la représentation du personnel, notamment en relevant les seuils d’effectifs pour la mise en place et les attributions des comités sociaux et économiques (CSE).

Le projet de loi sur la simplification de la vie économique, qui revient ces jours-ci en discussion à l’Assemblée nationale, ne comportait pas à l’origine de dispositions sur ce point suite au positionnement des organisations syndicales et des experts qui ont unanimement critiqué la hausse des seuils de CSE et les atteintes qu’elle porterait à la représentation des salariés et au dialogue social. Mais le texte fait aujourd’hui l’objet de plusieurs amendements reprenant les propositions du rapport parlementaire. Si ceux-ci étaient adoptés, ses conséquences seraient les suivantes :

  • le seuil pour mettre en place obligatoirement un CSE serait porté de 11 à 50 salariés ; les salariés de ces entreprises seraient ainsi privés de toute représentation du personnel ;
  • le seuil pour que le CSE puisse exercer ses attributions complètes (attributions économiques et santé au travail, droit aux informations-consultations récurrentes et ponctuelles, droit à l’expertise, subventions de fonctionnement et pour les activités sociales et culturelles [ASC], personnalité civile et droit d’agir en justice) serait porté, selon certains amendements, à 100 voire à 300 salariés ; cela constituerait un recul considérable qui nous ramènerait avant la loi du 16 mai 1946 ; le seuil pour désigner un délégué syndical actuellement fixé à 50 salariés serait également impacté ; tout comme celui imposant l’élaboration d’un Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) et la publication, chaque 1er mars, des indicateurs relatifs aux inégalités salariales entre hommes et femmes ;
  • l’obligation de disposer d’une BDESE ne concernerait que les entreprises d’au moins 300 salariés contre 50 aujourd’hui et sa production serait conditionnée à la demande des membres de la délégation du personnel du CSE ; il est même proposé de la rendre facultative ; or, même si cette base de données n’est pas, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, exempte de critiques, le dialogue social sera encore rendu plus difficile, puisque les élus verront leur capacité d’analyses et de propositions réduites, car tributaire du niveau d’informations que voudra bien leur délivrer leur employeur.

Dans tous les cas, l’argument avancé est le même : le franchissement des seuils actuels impose à l’entreprise une série d’obligations supplémentaires qui seraient contraignantes, chronophages et coûteuses. Il représenterait un frein au développement des entreprises et à la création d’emploi, car beaucoup préféreraient rester sous le seuil des 50 salariés afin d’éviter ces nouvelles contraintes. Or, il n’a jamais été démontré que l’affaiblissement des institutions représentatives du personnel produisait des effets bénéfiques sur l’emploi. D’autant plus qu’aucune étude d’impact n’est produite à l’appui du présent projet de loi.

Un autre amendement vise à isoler encore davantage les salariés des petites et moyennes entreprises face à leur employeur en supprimant l’obligation mensuelle de réunion du CSE dans les entreprises de moins de 50 salariés au motif que l’impératif de ces réunions mensuelles serait inadapté. Selon les auteurs « Le dialogue entre salariés et employeurs dans les petites entreprises se fait de façon spontanée et l’instauration d’un tel rythme tient de l’infantilisation des chefs d’entreprises ». Affirmer cela, équivaut à réduire le dialogue social à un simple échange verbal entre deux portes. C’est ignorer que, de tout temps, il a fallu de grandes lois, parfois assorties de sanctions pénales, pour contraindre les employeurs à un échange qui ne soit pas que de façade.

Enfin, pour tenter d’amadouer hypocritement quelques élus, d’autres amendements visent à précariser encore davantage les plus précaires. Ainsi, il est proposé d’autoriser les CSE à exiger une ancienneté minimum pour le bénéfice des ASC et ce, contrairement à ce qu’a jugé la Cour de cassation en 2024 selon laquelle l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des ASC ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté. Cela n’a rien à voir avec la simplification pour les employeurs car les CSE disposent seuls du pouvoir de gestion des ASC. Sans parler du fait que le relèvement des seuils privera purement et simplement des milliers de salariés du bénéfice des dites ASC.

Le Cercle Maurice Cohen s’insurge contre toutes ces propositions d’amendements qui aggraveraient les logiques des ordonnances de 2017, à savoir faire une confiance aveugle aux dirigeants d’entreprises, les accompagner en les contrôlant a minima. Le principe constitutionnel de participation des salariés en sortirait encore une fois affaibli. Qui plus est, réserver les attributions économiques et en matière de santé au travail et plus généralement le droit à l’information-consultation aux entreprises d’au moins 100 ou 300 salariés est en contradiction avec la législation européenne prévoyant de telles obligations dans les entreprises employant au moins 50 salariés.

La finalité du droit du travail qui est de protéger individuellement et collectivement les salariés ne saurait être placée sur le même plan, voire à un niveau inférieur, que le soutien à la compétitivité des entreprises.

À l’opposé de ces dispositions régressives, le Cercle Maurice Cohen présente et met en débat 10 propositions de mesures afin que les salariés soient réellement associés par l’intermédiaire de leurs représentants à la gestion de leur entreprise, ainsi que le prévoit la Constitution.

Le 8 avril 2025

Pour en savoir plus : ActuEL CSE

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